1000 km du sud

Je ne sais pas trop ce qui me pousse à réaliser ce genre de brevet, défi devrais-je dire. Jusque là, toute modestie gardée, c’était relativement simple, encore que 600 km, tel une plante verte sans eau, j’en étais comme partiellement flétri. Tu le sens passer si je peux m’exprimer ainsi.

Vendredi 10 Septembre me voila calé dans ma voiture à destination de Toulon avec dans le coffre mon vélo à la selle si délicate et avec laquelle j’ai une relation toute particulière.

Dans la tête cette idée saugrenue de réaliser un brevet de 1000 KM au départ de La garde dans le Var. Le 1000 du Sud, qui s’annonce plutôt montagneux.

Sur une invitation de Sophie Matter, qui a préparé ce 1000 avec les gens du Triples plateau Gardéen, nous nous retrouvons la veille du départ à l’hôtel Kyriad pour faire connaissance. Les discussions vont bon train. Untel vante les mérites de la barre de lard sur les longues distances. L’autre s’époumone sur la perfection et l’efficacité de son vélo couché dans les plats et les descentes et à la question : « les montées quand ait-il ??? » La réponse semble sans appel, les trois vélos couchés engagés sur ce 1000 rouleront doucement dans les montées… Et puis cet américain venu de San Francisco, qui cumule sur son temps libre les séries, soit 200, 300, 400, 600 dans la même semaine, s’ensuivent 1000, 1200 le tout dans la même saison. Et celui-ci qui décide d’allonger le 1000 de ce WE jugé un peu cool sur les grimpettes. J’ai un plaisir particulier à entendre les aventures et commentaires de ces passionnés de vélo.

Sophie Matter ne dit rien, du moins pas grand-chose, cependant son expérience dans la longue distance invite le respect. Ce 1000 du Sud lui tient tant à cœur et croyez moi elle a du se battre pour le voir se réaliser.

Texte tiré de son blog Rando SPIRIT:

C'est un projet qui me tient très à cœur depuis que j’ai découvert des BRM montagneux à l’étranger, avec le Grand Huit Bavarois en juin 2009 (11.840 m de dénivelé). Puis j’ai eu la chance de pouvoir rajouter dans ma boîte à souvenirs le magnifique Oregon Blue Mountains 1000, en juin 2010 (11.109 m de dénivelé). J’ai également entendu parler du 1000 Cymru au Pays de Galles, du Endless Mountains 1000 en Pennsylvanie, du Haid - Glockner - Haid dans les Alpes autrichiennes – tous dépassent les 11.000 mètres de grimpette. Autant de brevets fantastiques qui ont encouragé l’amoureuse des montagnes que je suis à importer l’idée en France.

La soirée pasta se termine, tout le monde gagne sa chambre pour une bonne nuit avant le départ.

5H30, les maillots de cyclos fleurissent, au petit déjeuner, tous plus beau les uns que les autres, avec une préférence pour celui de Joseph, l’américain, aux couleurs de San Francisco Randonneurs.

Rapidement tout le monde se retrouve au stade Guy Moquet pour l’inscription au brevet 3€ suivi d’un petit café. Les cyclistes s’animent et discutent autour des vélos comme un dimanche matin avant le départ de la sortie club. C’est quoi le développement de ton vélo ? Etc…

7H00 pétante le départ est donné et dés la sortie du stade tous les cyclos ne sont pas d’accord sur la direction à prendre. L’homme à la barre de lard, Roland, continu tout droit, alors que le leader du groupe tourne à droite, nous le retrouverons quelques temps après.

Le départ à la Garde.

Très vite les trois allemands présents montent au train et prennent des relais à une vitesse que je juge bien excessive pour moi. Je les laisse 

partir. Je discute avec d’autres cyclos ; j’aimerais bien trouver un ou deux compagnons de route. Cela ne sera pas possible, différence de niveau pour certains, envie de rouler seul pour d’autres. Tant pis, je m’étais préparé à rouler seul.

Il reste encore un ersatz de groupe au KM 44, qu’un désaccord de GPS finit par disloquer. Technologie quand tu nous tiens.

La Provence s’étire paresseuse et sublime dans cette matinée ensoleillée ; bientôt après Lourmarin, le col du pointu, une des premières difficultés de ce parcours. A gravir dans ces gorges encaissées, surchauffées, c’est le coup de chaud au sommet. Heureusement nous ne sommes pas en période estivale. Ce petit avertissement me servira de leçon, faire attention à mon hydratation.

Je passe à côté d’Apt, direction Murs, fait le plein d’eau et m’attaque à la montée du dit Murs ; je double deux randonneurs Yves et Bernard. En dépit de notre différence de rythme je les reverrais souvent. Chaleur et bonne grimpette tout de même, mais c’est tellement beau. Nous dominons Gordes, Roussillon. 13H20, je retrouve des ‘’brevetistes’’ un peu cuits à la terrasse d’une superette. Pointage, casse croûte, je repars aussitôt pour passer le col de Murs et filer vers Malaucène. Là, s’impose au fond de ce plateau le Mont Ventoux, majestueux et l’air de dire vient si tu l’oses. Une autre fois peut être, maintenant il ne fait pas partie de la fête, dommage.

Je fais un stop d’une ½ heure chez un vélociste à Malaucène pour tenter d’éradiquer un couic/couic en provenance des galets de mon vélo. Sans vraiment de succès, le dit couic/couic me poursuivra jusqu’à l’arrivée. Tiens, c’est peut-être la raison pour laquelle personne ne veut rouler avec moi, c’est tellement chiant, moi-même si je pouvais…

Je passe à coté des dentelles de Montmirail où j’ai quelques souvenirs d’escalade avec une bande de copains.

J’arrive au pointage suivant , Vaison la Romaine à 16H15. Je ne prolonge pas plus cet arrêt, demande ma route à une petite mémé qui, je sens bien, aurait aimé prolonger cette discussion. Elle me souhaite un bon petit tour par ce beau temps. Mon dieu si elle savait. J’avoue que la plupart du temps, surtout lors des pointages auprès de commerçants ou autres, je n’explique pas trop ce que je suis en train de faire. Certains annoncent d’entrée de jeu, nous faisons 1000 KM, pas moi.

La traversée de la plaine du Rhône par Rasteau, Cairanne, Saint Cécile les Vignes, me donne soif mais je ne bois que de l’eau. C’est marrant, je dis plaine mais Sophie Matter nous a tout de même trouvée 2 ou 3 bosses dans cette partie. A Mondragon je retrouve Bernard et Yves qui sont sur le départ après avoir cassé la croûte. Je m’arrête pour acheter un coca, une banane. Sophie Matter me double à ce moment. Puis je repars pour traverser le Rhône et rejoindre Saint Martin d’Ardéche.

A Saint martin d’Ardéche, les gens sont à l’apéro en terrasse, jouent aux boules, rigolent et moi et moi et moi. Et bien, moi aussi je me marre, je suis aux pieds de ces gorges, c’est la fin de la journée, le couché de soleil s’annonce sublime… C’est le cas !

Belvédère des Gorges de l’Ardèche.

Je double Sophie dans la montée, puis me grise dans les descentes en direction de Vallon à des vitesses bien trop élevées compte tenus de la 

visibilité. M’en fiche c’est tellement bon de glisser dans la nuit, impressions garanties.

 

Vallon Pont d’Arc, pointage à 20H40 et je retrouve Bernard et Yves à la table d’un restau. Je m’arrête pour boire un coup avec eux. Je commence un peu à être enivré par la fatigue et décide, sur l’invitation de Sophie qui nous a rejoints, de manger un plat de frites.

Puis tout le monde repart, mais pas ensemble. Je m’arrête pour retirer de l’argent et je m’en vais pour remonter l’Ardèche, Ruoms, Pradons, Lanas, Vogüé et Aubenas. Puis un peu de descente, avant le col d’Auriolles, le col de l’Escrinet et le col de l’Arénier. Ces grimpés me galvanisent, je retrouve la pêche. Au col de l’Escrinet, je change de panoplie pour m’habiller en ‘’long’’, il commence à faire frisquet. Je pointe à la Voulte sur Rhône à 1H35, tient nous sommes le 12 Septembre. Je décide de ne pas chercher de commerce ouvert à cette heure tardive et fait une photo de mon vélo sous le panneau La voulte sur Rhône, je l’enverrai plus tard à l’organisation.

Pointage Photo à la voulte.

Sophie est repartie devant moi, je ne la reverrai plus de tout le parcours.

Sur la route de Crest je rattrape, mes deux compères Bernard et Yves, nous roulons un peu ensemble, mais eux sont en quête d’un gîte pour la  nuit. Ils discutent avec un gars, qui leurs explique que le tour de France est terminé depuis deux mois… Je continus en direction de Die et je baille de plus en plus. Je n’irai pas bien plus loin qu’eux puisque je m’arrête à Mirabel et Blacons dans un superbe trois étoiles trouvé sur le bord de ma route. Un bel abris bus me tend les bras. Je mange tout en sortant ma couverture de survie qui fait un bruit du tonnerre et réveille un clébard qui me parait bien proche. La couverture de survie s’avère un poil trop courte et je ressemble à une papillote ouverte. Apres une excellente nuit de 2H30, je repars au petit matin entre chien et loup. Le réveil musculaire est très difficile et je dois faire 35 KM avant de trouver un hôtel pour me restaurer. Au petit déjeuné, je discute avec un cyclo qui s’inquiète de mon air hébété.

 

C’est regonflé à bloc que je repars en direction de Chatillon en diois, les jambes tournent comme si de rien n’étais. J’attaque le col de Grimone et je pense aux copains qui font la sortie de vélo dominical. Les gorges des Gats puis le Col de Grimone sont à couper le souffle tellement c’est beau. Les jambes tournent, tournent, je monte bien, du souffle j’en ai… descente sur la RN 75 puis trois petits KM pour le col de la Croix Haute. Direction Mens à travers le Triève, c’est encore un endroit sublime, qui monte et qui descend. Mens, je pointe à 12H00 kilomètre 498, même pas la moitié. Je mange un plat de pattes puis je repars pour Vizille via le Col Accarias, pont de Ponsonnas, où j’ai fait un saut à l’élastique il y a déjà longtemps ; La Mure, col de la festiniere puis descente via Monteynard , Champs sur Drac et Vizille, pointage à 15H00.

Je prends la direction de Briançon, le col du Lautaret est à 75 KM. Je pressent que cela va être long. Pas d’erreur, il fait chaud et puis froid et puis chaud et… J’ai un de ces coup de pompe dont on croit que l’on ne se remettra jamais. Pourtant je m’accroche ; sous le lac du Chambon c’est un neurone pour la pédale droite et un pour la gauche. 7 kilomètres à l’heure d’un coté, 8 de l’autre, je crois m’arrêter ; pas question je ne poserai pas le pied. Je dépasse le lac du Chambon, en direction de la Grave et sur la route je vois un panneau publicitaire dont je ne me rappelle pas le contenu mais qui annonce La grave à 3 minutes. Je relativise, je suis en vélo, et la c’est le moral qui en prend un coup ; La Grave est à trois milles ans.

Trois milles ans plus tard, j’arrive à La Grave et je cherche un restau pour me reprendre. Ma cervelle fonctionne à 200 à l’heure, dormir pas dormir. La réponse est simple : si je dors, je suis hors délai.

Je mange, je bois du coca, un café, je téléphone à Marjolaine ma femme, pour discuter et donner des nouvelles. Elle sent bien que c’est pas le Pérou ; et non c’est la Grave/La Meije. J’aime beaucoup ce coin de montagne et j’ai beaucoup de souvenirs ici, en voila un plus.

Je sors du restau et m’abrite sous le porche de l’ancien bureau des guides pour me changer. Je suis presque habillé quand arrivent Bernard et Yves, bien décidés à rejoindre Embrun malgré un état proche du mien. Je m’accroche à eux et tout en discutant nous passons le col du Lautaret. Bernard est un homme hors du commun. Nous échangeons sur nos divers parcours cyclotouristiques et voila qu’il m’apprend que cette année il a validé 35 brevets dont dix de mille. « A bon et tu en fais un par mois pour récupérer. Non, non je les fais au rythme de deux par semaine pourquoi ?? Mais pour récupérer alors ? bah ! je gère »

Pointage à Briançon au casino du lieu dit. Les gars à l’entrée sont prêt à nous mettre dehors, explications, rires et moqueries. Il est 23H00. Je roule avec eux jusqu’à Embrun et je ne sais pas comment je tiens. Nous trouvons un parking couvert, je m’affale sans autre forme de procès pour 2H30 de nuit, décidemment.

Descente vers Savine le Lac où nous faisons un petit déjeuné gargantuesque.

Nous repartons ensemble pour faire le tour du lac d’Embrun, Le sauze du Lac, col de Saint Jean. La forme est revenue, mes neurones se concentrent sur autre chose que mes jambes. Seyne les alpes, et le col de Maure me rappelle mon 600 au mois de juin, mais à ce moment là j’étais dans l’autre sens. J’attends 15 minutes Bernard au col de Maure, qui me dit « fais comme tu veux mais nous allons te ralentir et tu dois pouvoir finir bien avant nous. » J’ai des fourmis dans les jambes, je les laisse au col du Labouret et dans la descente vers Digne je file comme un avion (si si).

A Digne il reste 210 KM, l’écurie est proche et je me surprend à rouler bien fort, nous verrons bien.

Col de L’orme, col des Robines et je plonge sur Saint Andrés les Alpes prochain pointage. Je m’arrête chez un détaillant d’articles Western qui inquiet, me demande ce que je lui veut avec mon carton. Coup de tampon et je repars vers Saint julien du verdon, puis les Gorges du Verdon. Je dois pédaler dans la descente des Gorges, vent de face, frustrant non ?

Comp sur Arturby puis le camp militaire de Canjuers, je passe vers un site avec une multitude d’épaves de chars, de jeep. C’est pas mon truc.

J’en remet dans la descente, puis c’est la montée vers Chateaudouble, Ampus, Tourtour j’ai toujours la pêche, pourtant ça grimpe franchement. J’arrive à Carcés, le pays de Sophie Matter, pour un pointage photo, il est 20H15.

La fin de ce 1000 se fait de nuit, je fonce à bloque vers la Garde avec le vent dans le dos, Cabasse, Carnoule, Pierre feu du Var, La crau, La Garde. Je met trois heures pour finir, j’ai du me tromper quelques part, entre Pierre Feu du var et La Crau.

Je ne sais pas si ce sont les émanations vineuses provenant des pressoirs de ces différentes communes, mais je finis ce 1000 euphorique et heureux . Couic !couic ! couic !

Au total 18 Cols, 9000 mètres de dénivelés positifs, 1005 kilomètres annoncé, 1031 pour moi. 34 Participants, 16 Abandons, 2 Hors délai, 12 Pots de crème pour une meilleure complicité avec la selle de mon vélo.

Une randonnée sublime que je conseille de faire, avec un peu plus de temps. Que du bonheur !

Au fait c’est quand Paris Brest Paris ?